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L'or des Rois

02/01/2018

A l'aube d'une nouvelle année, les illuminations des villes s'éteignent mais gardons encore un temps nos habits de lumière pour ensoleiller ces ternes journées de janvier.

Les paillettes des fêtes résonnent jusque dans nos esprits, relayées par la galette des rois dont les dorures des couronnes cartonnées nous inspirent.

 

L'or, ce matériau brut mais noble, fascine de par sa puissance et sa préciosité. Depuis toujours utilisé dans les tissus souverains car il est signe de richesse, on le retrouve aujourd'hui dans les tenues de fêtes.

 

En poursuivant notre enquête dans les tiroirs du Musée des Tissus, on découvre de nombreux détails textiles comme de somptueuses broderies, à différentes échelles et différentes représentations (formes florales, ou au contraire abstraites et géométriques...). On remarque aussi des techniques de tissages de fils d'or permettant d'apporter une dynamique et un relief au tissu.

 

Aujourd'hui, la mode réinvente l'or, notamment grâce à des textiles moins précieux, comme des lamés synthétiques ou des broderies plus ou moins complexes.

Les grandes maisons se sont inventées un aura créatif autour de l'or. L'exemple le plus percutant est la campagne du parfum Dior J'adore, où l'or est omniprésent, presque psychédélique.

Plus discret chez Dolce & Gabbana ou Balmain, il apparaît comme fil conducteur de leurs collections. En effet, il ne se passe pas un défilé chez eux sans que l'on aperçoive un rayon d'or.

Les créateurs se réapproprient la culture historique associée à l'or, comme Karl Lagerfeld et sa collection FW 1987-88 pour Chanel, inspirée des fastes de Versailles.

Quand il était directeur artistique des collections femme chez Balenciaga, Nicolas Ghesquière transmettait ses influences pop à travers ses collections inspirées de Star Wars, où les pièces fortes se succédaient, notamment avec ses jambières dorées qui furent par la suite ultra-copiées dans le prêt-à-porter.

 

Aujourd'hui, on voit l'or le plus souvent porté en bijou : la mode des médailles revient en force, on collectionne les breloques comme Harpagon (L'Avare, Molière) collectionne les pièces d'or en secret.

Mais il n'est pas seulement réservé à la haute couture et aux styles classiques, on le retrouve dans le streetwear, jusqu'aux plus lookés, qui laissent entrevoir leurs grillz quand ils sourient.

La fascination pour l'or résonne dans tous les Arts.

L'emploi de la feuille d'or remonte à l'Ancienne Egypte, utilisée en guise de décoration des chambres funéraires des dieux et pharaons.

A travers les âges, l'or fut toujours l'écho d'une préciosité souveraine, noble, riche ; notamment au Moyen-Âge, où il était le symbole de la peinture chrétienne (voir notre enquête sur le christianisme dans la mode).

A l'aube du XXe siècle, l'artiste viennois Gustav Klimt se le réapproprie dans son Cycle d'or, et le place au cœur de l'oeuvre – alors qu'il n'était jusqu'ici que décoratif. L'or sublime ses personnages, intensifie leur sensualité, leur donne un caractère sacré, presque intemporel.

Le Baiser (1909) va marquer l'apogée et la fin de sa période dorée.

 

Aujourd'hui, les artistes contemporains réinventent l'or.

Le britannique Anish Kapoor sublime un coin au sol d'une pièce avec son Gold Corner (2014). La puissance de l'or place ce petit coin sans intérêt comme la partie la plus belle du musée.

Les Frères Campana se jouent aussi des rapports préciosité/vulgarité, dans leur collection Barroco Rococo (2012), à mi-chemin entre l'Arte Povera et la production industrielle d'objets de design.

On y retrouve des meubles faits d'objets du quotidien (peignes, boutons...) recouverts d'or. Dans l'ensemble la ligne paraît très précieuse, mais quand on observe de plus près nous découvrons la dimension revendicatrice des designers brésiliens.

En 2008, l'artiste anglais Marc Quinn a provoqué en créant une statue en or massif à l'effigie de la célèbre Kate Moss, la plus grande statue en or réalisée depuis l'Egypte antique. L'ironie fait que la statue de 50kg est à peine plus lourde que la Brindille.

Les installations éphémères de l'américain James Lee Byars, souvent considérées comme des performances, retracent sa vision poétique et sensible du monde. Elles sont ultra-dorées, totales, imposantes, fascinantes, parfois mystiques. En harmonie avec son travail, il revêt parfois un costume entièrement doré pour présenter ses œuvres.

 

L'or est donc un matériau sublime, rare, puissant et inspirant. Fort de ses applications historiques dans l'art, la mode et les modes de vies, il est réinventé aujourd'hui et confronté à des sujets plus vulgaires, bruts, décalés. Autrefois vu comme la valeur ajoutée qui fera ressortir le sujet de l'oeuvre, les rôles s'inversent et ce n'est plus forcément l'or en lui-même qui fait la force d'une œuvre.

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